A Brest, un adolescent se suicide après avoir été victime de chantage sur Facebook
Le Monde 29.10.2012 à 14h19
Par Vincent Durupt Brest Correspondant
Le 10 octobre, Gauthier, 18 ans, s'est pendu à Brest (Finistère). Il ne supportait pas un chantage sur le réseau Facebook. Il est décédé une semaine plus tard à l'hôpital. Ses parents, surmontant leur deuil, ont témoigné le samedi 27 octobre dans les journaux locaux, Le Télégramme et Ouest-France, afin d'alerter les familles sur les dangers que peuvent courir les adolescents.
Ce mercredi 10 octobre, Gauthier, élève de terminale dans un lycée brestois, revient en début d'après-midi au pavillon familial où se trouvent sa maman et ses deux soeurs, de 10 et 15 ans. En chemin, il s'arrête à la boulangerie. Son comportement est tout à fait normal quand il arrive chez lui et qu'il monte dans sa chambre. Mais deux heures après, il en ressort précipitamment, discutant au téléphone. "Il avait l'air absent", raconte sa mère, dans Le Télégramme. Moins d'une demi-heure plus tard, ses proches le retrouvent entre la vie et la mort, dans l'abri de jardin.
C'est l'ordinateur qui renseignera sur le drame qui s'est noué dans le huis clos de la chambre. Tout a commencé sur un site de discussions entre adolescents. Le principe en est simple : les interlocuteurs, qui ne se connaissent pas, entament une conversation, et zappent sur le contact suivant si elle ne leur convient pas. C'est ainsi que le jeune homme entre en relation avec une fille. Qui demande à prolonger l'échange sur Facebook, sans doute pour avoir accès à sa liste d'amis. Se dévêtant, elle lui demande d'en faire autant. Il s'étonne d'être le seul "ami" sur son mur. Elle explique que son profil ayant été piraté, elle vient d'en créer un nouveau.
Le jeu sexué continue par webcam interposée, l'échange n'aurait duré que dix minutes. Jusqu'à ce qu'elle l'interrompe brusquement, en anglais : "J'ai une vidéo porno de toi, si tu ne me donnes pas 200 euros, je vais détruire ta vie." Avec la menace de diffuser les images à ses amis si le jeune homme refuse. Un chantage que Gauthier ne supportera pas. Dans un SMS d'adieu, où il s'excuse, il écrit à l'adresse de ses parents que "tout est de [sa] faute".
"DESCENTE EXPRESS"
Quelques instants auparavant, il a eu un cousin de son âge, et confident, pendant plusieurs minutes au téléphone. Celui-ci n'aurait pas perçu dans les propos une telle panique.
"Les psychologues ont parlé de "raptus", de descente express", tente d'expliquer son père dans Le Télégramme. Gauthier n'était pas un geek, un accro du réseau. Ses proches le décrivent comme "prudent, sensible" et "protecteur envers ses soeurs". Sportif, il donnait un coup de main pour s'occuper des jeunes d'une équipe de basket, discipline dans laquelle sa famille est investie. Et quand il était à l'hôpital, ses camarades de classe sont venus en nombre.
Une plainte contre X a été déposée. L'ordinateur, identifié, émettait d'un cybercafé d'Abidjan (Côte d'Ivoire). Dimanche, le parquet de Brest a confirmé qu'une enquête était ouverte. La tâche pour remonter jusqu'aux instigateurs du chantage s'annonce difficile... Le lendemain du drame de Brest, une jeune Canadienne de 15 ans, Amanda Todd, mettait elle aussi fin à ses jours. Elle ne supportait plus les conséquences de la diffusion sur le Net d'images la montrant la poitrine dénudée.
"Par le biais d'un ordinateur, quelqu'un est entré sous le toit de notre maison pour commettre des atrocités. Et il n'y avait pas de moyens pour l'arrêter", témoignaient samedi les parents de Gauthier.